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Nager pour survivre
4 mai 2012
Le Bureau du coroner présente aujourd’hui les conclusions des rapports des coroners Mes Luc Malouin et Frédéric Boily. Me Malouin a mené l’enquête publique au sujet du décès d’Andrew Selby, 16 ans, décédé d’asphyxie par noyade dans la rivière Rouge le 12 juillet 2008. Me Boily s’est quant à lui penché sur les décès de Louis Villeneuve et de Mathieu Villeneuve-Cantin, deux frères de cinq et huit ans décédés d’asphyxie par noyade dans la rivière Ashuapmushuan à Normandin au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Le décès d’Andrew Selby
Jeune homme sportif et en santé, Andrew Selby sait nager mais n’aime pas avoir de l’eau plus haut que les genoux. Le 12 juillet 2008, en début d’après-midi, il se rafraîchit avec son frère sur une plage qui s’est formée à l’embouchure de la rivière Nominingue et de la rivière Rouge. Il marche en bordure de la rivière Rouge, où l’eau est très peu profonde, mais se retrouve soudainement dans plusieurs pieds d’eau. Alors qu’il se débat pour revenir vers le bord, il semble aspiré par le courant de l’eau et le fond fluvial. Son frère tente de l’aider mais il est lui aussi aspiré par cette mouvance. Des passants entendent leurs cris de détresse et parviennent à secourir le frère de la victime. Ils tentent vainement de retrouver le corps d’Andrew Selby, qui est finalement localisé le lendemain par une équipe de plongeurs de la Sûreté du Québec. La victime était au fond de la rivière Rouge, à demi enterrée par le sable.
La rivière Rouge
Malgré la beauté des lieux, la jonction des rivières Nominingue et Rouge est un véritable piège pour quiconque s’y aventure, résume Me Malouin. En effet, alors que le niveau de l’eau de la rivière Nominingue est très bas et qu’en bordure de la rivière Rouge, il semble aussi bas, le fond de cette dernière descend subitement et abruptement, plongeant la personne qui s’y trouve dans plusieurs pieds d’eau en un seul pas. Pire encore, le fond de l’embouchure est composé d’un sable instable qui se compare à un sable mouvant, attirant et retenant la personne qui risque alors de paniquer et de se noyer.
Par ailleurs, la municipalité de Rivière-Rouge ne possède aucune plage et le lieu de l’accident est un terrain privé. Au fil des années, le propriétaire de ce terrain très prisé par les citoyens a affiché des panneaux en interdisant l’accès. Ses panneaux ont été arrachés. Il a ensuite installé une chaîne qui a connu le même sort. Il a souvent demandé aux policiers d’intervenir pour que les intrus sur la plage quittent sa propriété, mais les intrus revenaient après le départ des policiers. Bref, rien ne semble dissuader les citoyens qui s’approprient cette plage pourtant privée. La municipalité a elle aussi installé des panneaux d’interdiction de baignade à cet endroit, mais ils ont disparu à plusieurs reprises. Bien qu’il doute de leur efficacité accrue, le coroner affirme que les panneaux de la municipalité ne devraient pas seulement interdire la baignade, mais l’accès aux lieux purement et simplement.
Les décès des deux jeunes frères
Le vendredi 22 juillet 2011, Louis, Mathieu et la famille Villeneuve se rendent au chalet d’un oncle situé en bordure de la rivière Ashuapmushuan et en face de l’île aux Trembles. Des bancs de sable entourent l’île et le niveau d’eau y est peu profond, quoique inégal. Durant l’après-midi, la mère se fait bronzer sur la rive et le père décide d’aller marcher avec ses deux garçons le long d’un banc de sable situé entre la rive et l’île aux Trembles. Ils marchent tous les trois du côté faisant face à la rive dans une zone où le niveau de l’eau est bas mais où la profondeur est inégale. Peu familier avec cette portion de la rivière et alors que ses fils se trouvent de chaque côté de lui, le père perd soudainement pied à l’entrée d’une fosse plus profonde et se retrouve avec de l’eau par-dessus la tête. Il crie pour signifier sa détresse et sa conjointe l’aide à atteindre le banc de sable. Dans la panique, les parents perdent de vue leurs deux garçons. Des secours sont appelés et les victimes sont localisées environ une demi-heure plus tard à l’endroit où le père avait lui-même failli se noyer. Les décès sont constatés en fin d’après-midi au Centre de santé et de services sociaux Maria-Chapdelaine.
Le père n’était pas un adepte de la baignade et ses enfants et lui ne savaient presque pas nager. Les enfants ne portaient pas de veste de flottaison individuelle et n’avaient jamais suivi de cours de natation.
Les enfants doivent savoir « Nager pour survivre »
Témoin à l’enquête publique du coroner Malouin, M. Raynald Hawkins, directeur de la Société de sauvetage, signale que la grande majorité des noyades ont lieu à moins de 15 mètres du bord de l’eau, d’une embarcation ou d’un quai. Il arrive très souvent que les victimes se retrouvent accidentellement à l’eau et qu’elles paniquent avant de sombrer.
En 2008, le coroner Jacques Ramsay déposait un rapport étoffé sur la problématique de la noyade[1] et recommandait au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) d’offrir le programme « Nager pour survivre » aux élèves du deuxième cycle du primaire. Parrainé par la Société de sauvetage, ce programme vise essentiellement à donner aux jeunes Québécois les trois habiletés de base leur permettant de réagir s’ils se retrouvent accidentellement à l’eau : entrer en eau profonde par roulade, nager sur place pendant une minute et se déplacer en eau profonde sur une distance de 50 mètres.
Depuis le rapport du coroner Ramsay de 2008 et d’autres rapports de coroners recommandant la même chose, le MELS et la Société de sauvetage ont procédé à des expériences pilotes pour intégrer « Nager pour survivre » au niveau primaire. Dans un rapport qu’elle a remis au MELS à l’été 2010, la Société de sauvetage fait état de résultats très intéressants : 79% des élèves ont réussi la norme, 94% des enfants ont aimé ce programme et 100% d’entre eux pensent qu’il est important d’apprendre à nager. 88% des parents et 100% des enseignants considèrent en plus que « Nager pour survivre » devrait faire partie du programme scolaire de troisième année de l’école québécoise. Malgré toutes ces retombées positives, le MELS n’a toujours pas rendu de décision finale quant à l’intégration de cette formation au primaire.
Recommandations
De 2005 à 2009, 75 noyades accidentelles sont en moyenne survenues annuellement au Québec. Considérant cette problématique et le fait que les compétences minimales en natation ne peuvent s’acquérir autrement que par une formation de nature aquatique, les coroners Malouin et Boily estiment qu’il est essentiel que des décisions soient prises rapidement pour intégrer la norme « Nager pour survivre » au programme scolaire des écoles primaires de la province. Il en va de la protection de nos enfants.
Mes Luc Malouin et Frédéric Boily recommandent donc au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport de donner suite au rapport de la Société de sauvetage et d’intégrer la norme « Nager pour survivre » au programme scolaire des écoles primaires afin que les enfants possèdent les compétences minimales pour faire face à une situation d’urgence dans l’eau et évitent ainsi la noyade.
Me Malouin recommande en outre à la municipalité de Rivière-Rouge de modifier les panneaux d’interdiction de baignade, afin d’interdire de façon explicite l’accès aux lieux en spécifiant les dangers reliés à la baignade et aux sables instables.
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Source :
Geneviève Guilbault
Responsable des communications et des relations avec les médias
418 643-1845, poste 20225
genevieve.guilbault@msp.gouv.qc.ca
[1] Dossier A-303297.