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Le lieu de sommeil le plus sécuritaire pour un bébé est la couchette placée dans la chambre des parents
26 octobre 2011
Dans la foulée du Mois de sensibilisation au syndrome de la mort subite du nourrisson orchestré par Santé Canada, le Bureau du coroner présente aujourd’hui les conclusions du rapport de la coroner, Me Andrée Kronström, à la suite des enquêtes publiques portant sur les décès de Lukas Harvey, décédé à Québec le 18 novembre 2008 à l'âge de dix mois, de Katarina Lafrance, décédée à Lévis le 11 janvier 2009 à l’âge d’un mois et de Jacob Martin, décédé à Québec le 23 novembre 2008 à l'âge de trois mois.
Exposé des faits
Les antécédents médicaux de Lukas Harvey
Né le 7 janvier 2008, Lukas Harvey est examiné par un endocrinologue en avril de la même année alors qu’on suspecte une maladie osseuse, plus précisément une dysplasie osseuse due à une maladie métabolique. En juillet 2008, un cardiologue observe que l’artère coronaire droite du bébé pourrait comporter certaines anomalies et qu’il faut surveiller le tout. L’enfant est cependant asymptomatique.
Le décès de Lukas Harvey
Le 18 novembre 2008, vers 12 h 30, le petit Lukas partage le lit de sa mère, encadré par deux oreillers. Vers 14 h, la mère se lève et vaque à ses occupations quotidiennes. Peu avant 18 h 27, inquiète du fait que Lukas dort toujours, elle se rend à son chevet. Elle trouve Lukas inanimé, sur le ventre, la tête près du calorifère. À 18 h 27, le 9-1-1 est avisé. Des ambulanciers et des policiers se rendent sur place et l’enfant est transporté à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, où son décès est constaté.
Les causes probables du décès
L’existence d’une pathologie osseuse ou cardiaque n’ayant pu être vérifiée chez le petit Lukas, Dre Aurore Côté, pédiatre reconnue comme sommité québécoise en matière de décès subits d’enfants et témoin expert à l’enquête publique, est d’avis qu’il s’agit d’un décès d’origine indéterminée.
Les antécédents médicaux et familiaux de Katarina Lafrance
Katarina Lafrance est née le 1er décembre 2008, après 35 semaines et un jour de grossesse. À sa naissance, des analyses révèlent la présence de métamphétamine dans son urine, résultat de la consommation de sa mère. La situation est signalée au directeur de la protection de la jeunesse du Centre jeunesse Chaudière-Appalaches. Katarina est néanmoins en excellente santé lorsqu’elle quitte l’hôpital.
La famille et la petite sont suivies et aidés par le Centre local de services communautaires (CLSC). Lors de ses visites au domicile familial, l’infirmière du CLSC remarque que l’appartement est très encombré, mais que rien ne compromet le développement de l’enfant. Bien qu’un parc pour bébé correctement aménagé se trouve dans le salon, Katarina dort la plupart du temps avec ses parents sur la causeuse. L’infirmière ignore cette information et tient pour acquis que les parents savent que le partage du lieu de sommeil avec un bébé est à éviter, notamment grâce à l’exemplaire du guide Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans qu’elle leur a remis.
Le directeur de la protection de la jeunesse, qui a retenu le signalement, participe également au suivi de cette famille puisque Katarina est vulnérable. En effet, on suspecte les parents de consommer des drogues et d’avoir une capacité parentale faible ainsi qu’un réseau social limité. Au moment de son décès, une évaluation était en cours pour vérifier si la sécurité de Katarina était compromise et prendre les mesures nécessaires au besoin. Comme il n’y avait pas de danger immédiat, l’enfant pouvait demeurer dans son milieu pendant cet examen qui peut durer environ trois mois.
Le décès de Katarina Lafrance
L’après-midi du 10 janvier 2009, les parents de Katarina consomment de la métamphétamine dont l’effet, une fois dissipé, cède la place à une grande fatigue. En soirée, la mère donne le biberon à Katarina et, vers 2 h 30, s’endort, allongée sur l’accoudoir de la causeuse du salon, les jambes reposant sur son conjoint qui est assis près d’elle. Même si les souvenirs des parents sont imprécis, le scénario le plus probable, retient la coroner, est que Katarina s’est endormie avec ses parents, placée entre sa mère et le dos de la causeuse.
À son réveil, la mère voit la tête de Katarina reposer sur les genoux de son père. La peau de la petite est mauve et elle ne respire plus. Un voisin appelle le 9-1-1 à 8 h 40, pendant que le père tente des manœuvres de réanimation, d’abord seul puis guidé par la centrale 9-1-1. Une policière arrive sur les lieux à 8 h 41 et les pompiers, premiers intervenants, à 8 h 42. Le bébé est trop rigide pour être intubé. À 8 h 50, les ambulanciers confirment l’absence de signes vitaux. L’enfant est transportée à l’Hôtel-Dieu de Lévis, où des manœuvres de réanimation avancées sont vainement pratiquées.
Les causes probables du décès
À la lumière des témoignages entendus à l’enquête publique de la coroner, Dr Patrick Daignault, pneumologue, pédiatre, chef du Département de pneumopédiatrie du Centre hospitalier de l’Université Laval et témoin expert à l’enquête, croit que la cause de décès la plus probable est une asphyxie positionnelle, puisque Katarina a dormi avec ses parents sur la causeuse, une surface molle, exiguë et inappropriée pour le sommeil. S’ajoute à cet environnement la grande fatigue des parents, qui constitue un facteur de risque additionnel d’une compression accidentelle de l’enfant.
Les antécédents médicaux et familiaux de Jacob Martin
Depuis 2002, la mère de Jacob Martin participe au programme de méthadone du Centre de réadaptation Ubald-Villeneuve (CRUV), qui l’aide à se sortir de ses problèmes de toxicomanie, notamment de sa dépendance à l’héroïne. Elle fume aussi la cigarette. Le 6 août 2008, elle accouche de Jacob. Comme le bébé a absorbé de la méthadone durant la grossesse, il doit demeurer à l’hôpital durant un mois pour être sevré.
Le directeur de la protection de la jeunesse du Centre jeunesse de Québec est avisé de la naissance de l’enfant et des mesures de protection volontaires sont mises en place pour veiller au bien-être de l’enfant. Le 25 août 2008, l’intervenant du Centre jeunesse de Québec rencontre la mère à domicile et constate la présence d’un berceau, de nombreux jouets et d’autres accessoires pour le bébé.
Le poupon quitte l’hôpital le 10 septembre 2008 en parfaite santé. Une infirmière du CLSC se rend à domicile le 15 septembre et discute des conseils d’usage, même si la mère a déjà reçu le guide Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans. Elle constate que la mère semble utiliser la couchette comme lieu de sommeil pour Jacob. L’intervenant du Centre jeunesse de Québec voit lui aussi Jacob dans sa couchette, laquelle est libre de tout objet.
Vers la mi-octobre, l’intervenante du Centre jeunesse de Québec et le médecin traitant de la mère au CRUV estiment que cette dernière est très fatiguée et qu’elle a besoin de répit car elle s’est endormie avec son bébé. En novembre, l’intervenante multiple les démarches pour offrir un répit à la mère. Lors de sa dernière visite, le 21 novembre 2008, elle ne voit pas la couchette du bébé et ne pose aucune question spécifique sur le partage du lit d’adulte.
Le décès de Jacob Martin
Le 23 novembre 2008, à 1 h 20, sa mère place Jacob dans son lit sous d’épaisses couvertures et le visage recouvert pour le garder au chaud. Vers 11 h, elle est incapable de le réveiller. Une voisine entend des cris vers 11 h 15 et voit la mère dans le corridor qui tient son bébé inanimé. Infirmière de formation, la voisine entreprend des manœuvres de réanimation sans attendre les consignes du 9-1-1. Jacob est rigide et sa peau est mouillée, chaude et grisâtre. Les ambulanciers arrivent sur place à 11 h 19 et voient que le bébé est en arrêt cardiorespiratoire. Le petit est transporté au Centre hospitalier de l’Université Laval où, malgré les soins avancés qui lui sont prodigués, le médecin ne peut que constater son décès.
Les causes probables du décès
Dre Aurore Côté, experte entendue lors de l’enquête publique, écarte d’emblée l’hypothèse de l’asphyxie positionnelle et conclut à une mort subite du nourrisson. Elle signale l’importance d’être conscientisé aux facteurs de risque associés à la mort subite du nourrisson, notamment dormir avec le bébé dans un lit d’adulte, la présence de couvertures ou d’oreillers et le tabagisme.
Solutions communes pour un lieu de sommeil sécuritaire
Le message des experts entendus lors des enquêtes est clair : l’endroit de sommeil le plus sécuritaire est la couchette placée dans la chambre des parents. La coroner estime que le message de prévention devrait être simplifié en conséquence puisque dans l’esprit des gens, les notions de « cododo » semblent signifier à la fois dormir avec son enfant et dormir dans la même chambre que lui. Pour éviter toute ambiguïté, on devrait préciser et différencier les expressions « partage du lit » et « partage de la chambre ». La version 2011 du guide Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans a d’ailleurs été modifiée en ce sens par l’Institut national de santé publique du Québec.
Dans un contexte de vulnérabilité comme ceux dans lesquels évoluaient Katarina Lafrance et Jacob Martin, il faudrait par ailleurs sensibiliser tous les intervenants sociaux et médicaux à cette problématique du partage du lieu de sommeil, afin qu’ils soient à l’affût des situations à risque et qu’ils fassent des rappels aux parents; en un mot, qu’ils deviennent des outils de changement. Il y aurait également lieu de multiplier les canaux d’information à l’intention des parents, ajoute Me Kronström.
Recommandations
Afin de tisser un filet de sécurité pour assurer un lieu de sommeil adéquat pour les enfants âgés de moins d’un an, la coroner, Me Andrée Kronström, recommande :
À l’Institut national de santé publique du Québec :
- de poursuivre ses démarches afin que le guide Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans continue d’être distribué gratuitement aux parents;
- de poursuivre ses démarches afin que les sites officiels apparaissent au premier rang lorsqu’une recherche sur le Web est lancée avec notamment les mots clés « cododo », « co-sleeping » et « dormir avec bébé»;
- de travailler à l’intégration de messages de rappel concernant le lieu de sommeil sécuritaire destinés aux parents lors de l’accouchement, qui pourraient être distribués par les professionnels de la santé concernés par les accouchements.
À l’Institut national de santé publique du Québec et au ministère de la Santé et des Services sociaux :
- de travailler en collaboration afin d’inclure un message clair concernant le lieu de sommeil le plus sécuritaire dans les différents outils destinés aux intervenants des centres de santé et de services sociaux et des centres jeunesse du Québec.
À l’Association des centres jeunesse du Québec :
- d’intégrer aux outils visant à aider la prise de décision, au moyen d’un système d’alerte, un message visant à attirer l’attention des différents intervenants des centres jeunesse sur le lieu sécuritaire pour le sommeil des bébés.
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Source :
Geneviève Guilbault
Responsable des communications et des relations avec les médias
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